14 février 2012

Karl Marx, le véritable père de l’antisémitisme moderne !


NB: il s'agit de la reprise d'un billet du 27.01.2010 supprimé sur Anna Watch par le N.Obs

27.01.2010 RÉPONSE Á : 'MESSAGE AUX BLOGUEURS ANTISIONISTES DE GAUCHE'

Ayant mon IP bloquée sur « L'Avis sauve » je fais ici cette mise au point sur le MESSAGE AUX BLOGUEURS ANTISIONISTES DE GAUCHE de Moishe Postone, repris par Allegra dans un billet du mardi, 26 janvier 2010.  Naibed

Moishe Postone déclare, dans son message :

« La représentation conventionnelle stalinienne et social-démocrate du nazisme et du fascisme comme simples outils de la classe capitaliste, utilisée pour écraser des organisations ouvrières, omettait toujours une de leurs dimensions centrales : Ces mouvements en termes d'auto-compréhension d'eux-mêmes et leur appel aux masses, étaient des révoltes. Le nazisme s'est présenté comme une lutte pour la libération (et a soutenu des mouvements « anti-impérialistes » dans le monde arabe et en Inde).
Le fondement de cette auto-compréhension était une compréhension fétichisée du capitalisme : la domination abstraite, intangible, globale du capital a été comprise comme la domination abstraite, globale, intangible des Juifs. »

Bien, bien... Sauf que !

Sauf qu'il faut bien préciser à ce professeur d'histoire à œillères marxistes que les nazis ne sont pas - mais alors *pas du tout* - ceux qui sont à *l'origine* de cette compréhension fétichisée du capitalisme.Même si, bien sûr, ils se sont empressés de la reprendre à leur compte, faisant de l'antisémitisme le socle central de leur action dévastatrice.

Il n'est bien sûr aucunement question ici de dédouaner le national-socialisme, ni de retrancher quoi que ce soit de leur écrasante responsabilité dans la préparation et la mise en oeuvre de cette extermination industrielle des juifs qu'est la Shoah. Mais enfin, il faut quand même bien rendre à César ce qui appartient à César. Et à Karl Marx, ce qui appartient ...à Karl Marx !

Car c'est bien lui, Karl Marx [1], qui a donné cette dimension proprement spécifique à l'antisémitisme moderne en faisant du «juif réel» la véritable figure de l'exploiteur capitaliste, celui qui s'oppose à l'émancipation de l'exploité, représenté par la figure (sublimée) du prolétaire. C'est bien lui, Karl Marx, qui définit le judaïsme « réel » comme une religion qui pervertit la société catholique bourgeoise, une religion dont le Dieu réel (weltlicher Gott = Dieu mondain), est l’argent, une religion dont l'essence est l’égoïsme (Eigennutz), dont la motivation est l’intérêt, et dont le culte, est le trafic (l’usure). Et c'est ce qui fait que les juifs, pour fuir la figure marxiste de l'exploiteur, seront  hélas nombreux à se faire bolcheviques.

[1] et non Adolf Hitler, ou même Joseph Staline, qui n'étaient même pas nés en 1843, au moment où Karl Marx rédige sa fameuse réponse à Bauer sur 'La Question juive'

Hitler n'aura qu'à se baisser pour ramasser l'héritage de Karl Marx, en pouvant se payer le luxe d'ajouter - en prime ! - la figure du «juif bolchevique» à celle du juif capitaliste, et de prendre ainsi les juifs en tenailles !  Staline, de son côté, récupérera lui aussi l'héritage antisémite de Karl Marx lors des fameux procès staliniens du début des années 1950.


Annexes [PDF]: La « nation CHIMÉRIQUE » - Les Juifs et l’État dans la philosophie moderne avant Israël

A partir de le page 129: " Le jeune Marx et la cristallisation philosophique de l’antisémitisme « social » "Ayant établi, selon lui, que la religion qui n’est qu’un « phénomène », et critiqué les droits de l’homme qui sous l’apparence de droits naturels, ne sont pour Karl Marx (qui confond individuation et égoïsme) que le fondement égoïste des droits de la société bourgeoise, Marx invite à « considérer le juif réel du monde (wirklichen weltlichen) ».


Extraits choisis :  [NB : addenda du 14/02/2012  au billet original]
 Le secret du juif n’est pas dans sa religion, mais le secret de la religion dans le juif réel (wirklichen Juden)  (p. 49).
Nous reconnaissons donc dans le judaïsme un élément antisocial général et actuel qui, par le développement historique auquel les Juifs ont participé – sous ce mauvais rapport – activement (eifrig  mitgearbeitet), poussé à son point culminant actuel (jetzige Höhe) » (p. 50). 


NB: la conclusion de l'étude de la Question Juive par Karl Marx est effarante :
Dès que la société parvient à supprimer l'essence empirique du judaïsme, le trafic de ses conditions, le Juif est devenu impossible,  parce que sa conscience n'a plus d'objet, parce que la base subjective du judaïsme, le besoin pratique, s'est humanisée, parce que le conflit a été supprimé entre l'existence individuelle et sensible de l'homme et son essence générique. 
L'émancipation sociale du Juif, c'est l'émancipation de la société du judaïsme.


Raphaël Lellouche termine donc en notant, à propos de  Karl Marx, que :
Pour les Juifs eux-mêmes, l’héritage du jeune Marx se présentera donc comme ambivalent.
D’un côté, une promesse universelle de « travailler à l’émancipation humaine générale », mais c’est « du moment qu’il [le juif ] reconnaît la vanité de son essence pratique et s’efforce de supprimer cette essence » (Quest. juive, p. 49), c’est-à-dire à condition de renoncer à lui-même et à sa propre émancipation.
De l’autre, s’il choisit par contre de persister dans son être, alors le Juif peut devenir le symbole vivant  illustrant l’image répulsive d’un nouvel antisémitisme social, métaphysiquement fondé sur un « humanisme radical »…
Dans les deux cas, pour toute perspective d’émancipation, le marxisme du jeune Marx n’offre aux juifs, qui ne sont plus désormais à ses yeux ni une nation, ni une communauté religieuse – mais la classe des hommes d’argent –, qu’une alternative terrifiante entre une négation universelle de soi, et une négation par l’autre universalisée.



Post scriptum : il s'agit du fameux texte qu'Allegra ne pouvait pas lire, car son mari avait pris la revue Controverses (N° 11 - Mai 2009), puis ensuite qu'elle trouvait "trop compliqué à comprendre", ce qui lui a permis de se défiler à toute discussion (gênante) à son propos.